Affiche de la campagne anti-littering de l’IGSU
La campagne d’affichage contre le littering qui colore encore quelques parois de nos couloirs montre les déchets comme un tsunami, une incoercible déferlante, une pieuvre menaçante. On tiendrait volontiers ce monstre pour une résurgence de l’hydre antique dont chaque tête tranchée laissait place à sept autres, se relevait de son sang, se nourrissait à l’humus où l’avait jetée le glaive d’Hercule.
L’Antiquité nous lègue aussi, d’élégante, énigmatique étymologie, la notion d’isochrone. Entendons ici le lieu géographique de tous les points que l’on peut gagner à partir d’un lieu et en un temps, avec un moyen de locomotion donné L’isochrone « 10 minutes » à partir du drive in d’un fast food (pas besoin d’expliquer ces termes-ci ?), trace, en pointillé dans le paysage, une ligne de sacs, gobelets, porte-gobelets, pailles mordillées, cuillères en kit encore enduites de soft-ice sur le bas-côté des routes.
« Je préfère l’herbe aux déchets », Image IGSU
Dans le paysage ? En fait dans le pâturage ! De telle sorte que, si l’on n’est pas toujours sûr de manger de la vache dans les hamburgers, on a la certitude que les vaches mangent McTruc ! Les emballages du moins ! Soit d’un seul coup, et elles en crèvent ; soit en microparticules hachées menu et dispersées par la faucheuse dans le fourrage… ce qui ne les empêche pas de produire leurs 50 litres de lait quotidien,. Mmmmmh, le bon lait !
Littering – faut-il faire encore la petite leçon de vocabulaire ? – vient du verbe anglais to litter, signifie que le gourmet-conducteur, en délit de fuite programmé, pas vu pas pris, se débarrasse des reliquats graisseux, dégoulinants, collants de son repas nomade et déverse son fumier dans l’assiette des innocents bovins qui regardent passer le train des bagnoles dînatoires et qui auront tout le temps de ruminer leur dégoût de la civilisation moderne. Eloignez la vache de son lisier, sortez-là prendre le bon air et la bonne herbe dans la verte campagne… et la voici cernée par l’hydre gastro- mécano- americano- lipido- moderno- pseudo- bucolique. Un hydre, on vous dit ! Sept têtes vrombissant, vomissant, salopant à 50, 80 et 120 km/h.
Reste que quelques précautions suffiraient pour décapiter le monstre : quelques sachets en plastique dans le vide-poche de la voiture : et hop on ramène tout ça chez soi ou à la poubelle la plus proche. Ah, ça remplit au moins un sac taxé pour un seul repas avec quelques copains ? Alors renonçons à la tentation du drive-in. Renoncer, au nom des vaches d’abord, à la malbouffe générale ! Herculéen ? Vraiment ? Qui essaie ?
Jean-Daniel Rousseil