Du souvenir au récit
Entre décembre 2014 et mai 2015, une classe de troisième année d’Ecole de commerce du Gymnase d’Yverdon, accompagnée par leur enseignante de français Elsa Neeman, a participé au projet « Du souvenir au récit », qui propose des rencontres entre des élèves vaudois et des personnes âgées autour de la question de la mémoire et de son écriture. Elaboré et coordonné par Céline Cerny, médiatrice culturelle, et soutenu par la Fondation Leenaards, ce projet de l’association Jeunesse et Médias.AROLE met au centre l’idée de transmission : dans le cadre de leurs cours de français, les jeunes, en duos, rencontrent à plusieurs reprises une personne âgée en résidence, discutent avec elle et l’écoutent, puis choisissent un de ses souvenirs qu’il mettront sur papier. |
Marine en compagnie d’une résidente de l’EMS
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J’ai vécu la guerre en Italie et suis venue vivre en Suisse à l’âge de 18 ans. Je suis venue seule en Suisse et ma sœur m’a rejointe quelques années plus tard. J’ai travaillé durant des années à l’hôtel de l’Ours, à Vuiteboeuf.
Lorsque j’ai été me présenter pour ce travail, ils ne voulaient pas m’accepter au début, car j’étais trop petite et je ne connaissais pas beaucoup le français. Ils ont finalement accepté de me prendre et j’ai pu apprendre le français grâce à eux.
Un jour, alors que je regardais par la fenêtre, j’ai aperçu un bel homme qui m’observait depuis le bâtiment d’en face. Chaque jour, quand je regardais par la fenêtre, ce même homme me regardait. Puis, un soir, il m’attendait à la sortie de mon travail et m’a invitée à aller boire un verre. C’est ce jour-là que j’ai fait la rencontre de mon mari.
Texte de Marine et Mae
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C’est la classe 3E2 du Gymnase d’Yverdon qui a eu la chance de rencontrer les résidents de l’EMS Les Jardins de la Plaine, également à Yverdon. Après les premiers entretiens, les élèves ont appris lors d’ateliers d’écriture à rédiger les souvenirs à la première personne puis, le dernier jour du projet, la comédienne Joëlle Fontannaz les a familiarisés avec la lecture à haute voix. Ce même jour, à l’occasion d’une fête organisée aux Jardins de la Plaine, les élèves ont offert un exemplaire de leur texte à « leur » senior puis en ont fait une lecture au micro devant les proches qui étaient venus les soutenir, devant les résidents et leurs familles, d’autres gymnasiens, quelques enseignants et M. Gruet, le directeur du gymnase. Durant cet événement, il a été très touchant de voir que les jeunes adultes et les personnes âgées étaient allègrement mêlés dans la salle et commentaient ensemble les lectures. Chaque étape du projet a été immortalisée par la photographe Wiktoria Bosc. |
Nous avions des terres et des animaux dont nous devions nous occuper pour vivre. Lorsque je ne travaillais pas dans les champs ou à la cuisine, j’allais à l’école avec mes frères et sœurs. C’était pénible car l’école se situait à Fribourg. Nous devions donc marcher 1h30 pour y accéder car nous n’avions pas les moyens de payer notre billet de tram. Pour le repas de midi, nous allions dans le restaurant d’un ami de la famille. Nous lui payions 30 centimes par repas, le reste était payé en fruits et légumes de notre ferme. Cela nous permettait, à mes frères, sœurs et moi-même d’avoir un repas chaud chaque midi.
Une de mes sœurs était très malade je devais donc veiller à l’entretien de la maison. Je n’aimais pas cela, j’aurais beaucoup aimé faire des études mais mon travail et mes obligations à la ferme m’en empêchaient.Texte de Melissa et Micaela |
Melissa et Micaela en entretien à l’EMS |
Tous les participants ont eu beaucoup de plaisir et d’intérêt lors de cette expérience. Les échos ont été très positifs, tant du côté de la résidence que du gymnase et des liens se sont tissés qui perdureront, nous l’espérons, au-delà du projet en lui-même. |
Sébastien et Nolan en discussion avec une pensionnaire.
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Ma fille travaille comme employée dans une compagnie d’assurance et un de mes fils est employé de bureau. Je ne sais pas si j’ose vous dire ce que fait mon autre fils… Il est clown !
Eh oui, dès l’âge de 4 ans il nous a toujours dit qu’il voulait devenir clown. Avec mon mari, nous n’avons jamais jugé son choix, nous voulions juste qu’il fasse ce qui lui plaisait. Quand il était petit, nous lui disions qu’il avait le temps de décider ce qu’il voulait faire de sa vie professionnelle mais il n’a jamais changé d’avis.
J’ai depuis toujours aimé la couture, et c’est pour cela que j’ai fabriqué tous les costumes de clown de mon fils. Je lui ai donné beaucoup de mon temps pour coudre ces déguisements, j’aimais beaucoup faire ça avec lui, je suis très fière de mes enfants. Malheureusement, maintenant je ne peux plus tricoter et ça me manque. Si vous pouvez, apprenez à faire quelque chose avec vos mains, c’est toujours utile !
Texte de Mélissa et Albane
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Texte : Elsa Neeman
Crédits photographiques : Wiktoria Bosc (2015)